Les Manteaux de gloire by Sebastien de Castell

Auteur:Sebastien de Castell [de Castell, Sebastien]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Fantasy
Éditeur: Bragelonne
Publié: 2015-06-18T22:00:00+00:00

15

LE DOUX SUCRE

Le jour se levait sur Rijou. Il faisait encore froid, mais la lumière était si vive qu’elle semblait, où qu’elle frappe, faire remonter la puanteur des égouts jusqu’aux pavés.

— C’était idiot, déclara Aline.

Je la regardai un moment puis tournai vers la droite, en direction de l’est et de la large rue nommée la voie du Piquier.

— C’était idiot, répéta-t-elle.

— Quoi, exactement ?

— Tout. Mais le plus stupide est que nous marchons en plein jour et que tout le monde peut voir où nous allons.

— Ce sont de pauvres fous et des lâches. Personne ne viendra nous chercher. Nous allons marcher vers l’est et rejoindre le quartier des sculpteurs sur bois. Il ne devrait pas se passer grand-chose là-bas pendant la Semaine Sanglante, et il y a de la place pour se cacher.

— C’est quand même stupide, insista-t-elle en ignorant ma réponse.

— Combien de fois comptes-tu me le faire savoir ?

Elle s’arrêta et saisit la manche de mon manteau, pour me faire rebrousser chemin. Je décidai qu’il était temps de mettre au clair qui commandait.

— Écoute…

Je m’aperçus qu’elle avait les joues baignées de larmes.

— Pourquoi est-ce que tu… ?

— Parce que j’ai peur ! Ne le vois-tu pas ? N’as-tu jamais peur ?

Je m’agenouillai pour lui parler à hauteur de regard, mais elle était trop grande et je me redressai de nouveau pour me pencher vers elle en une posture notablement inconfortable qui décrédibilisa ma grande déclaration.

— J’ai peur tout le temps, Aline. J’ai peur en ce moment, mais nous devons avancer et trouver un endroit où…

— Tu mens ! accusa-t-elle, entre le cri et le grondement, mélange étrange qui me fit reculer d’un pas.

Il était suffisamment tôt pour que la rue soit déserte, mais je craignais que quelqu’un vivant au-dessus des échoppes autour de nous ne vienne à nous remarquer.

— Tu n’as pas peur, dit-elle d’une voix plus posée. Une personne effrayée ne ferait rien d’aussi stupide que ce que tu as fait là-bas. Ces gens auraient pu nous aider.

— Ces gens n’étaient pas…

Elle leva les bras et les laissa retomber en un geste d’agacement et de futilité.

— Ces gens n’étaient pas des Manteaux de gloire, mais ils auraient pu nous aider. Ils nous auraient offert un abri, ils auraient même pu s’occuper de nous, nous donner de l’argent, nous orienter vers des connaissances… Quelque chose, n’importe quoi !

— Je sais que c’est difficile, mais tu ne comprends pas tous les enjeux qui interviennent ici.

— Non, Falcio val Mond des Manteaux de gloire, me coupa-t-elle, c’est toi qui ne comprends pas. Tu ne vois pas ce que tu fais.

Elle parlait avec l’assurance d’une enfant qui croit encore que la vie devrait se dérouler comme une romance de barde.

Mais j’étais fatigué, je souffrais d’avoir mené en deux jours plus de combats que dans toute l’année passée.

— J’essaie de te garder en vie, bon sang !

— Non, dit-elle d’une voix douce et calme. Tu essaies de te venger d’eux, de Shiballe, du duc, de cette femme qui se fait appeler princesse, de tous ceux qui ne croient pas en toi et en tes Manteaux de gloire.

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